Le savant italien s’était essayé à peindre un moulage de la colonne Trajane112. Les frises du Parthénon, comme celle de la colonne Trajane, dépassent, par leurs qualités et leur organisation iconographique, le statut de « simple » monument. Ce silence est d’autant plus regrettable que les descriptions du Forum d’Auguste et du temple d’Apollon Palatin par Properce et Ovide comportent de précieux renseignements quant au programme iconographique de ces ensembles54. 91 Vitruve, III, 3, 13 : « Ces augmentations progressives des diamètres supérieurs [des colonnes] sont autant de correctifs imposés par la distance verticale que franchit le rayon visuel lorsqu’il s’élève » (trad. La scène représente la construction d’un camp fortifié. Schneider 1990, p. 255, met en exergue le faste dont témoigne ce choix, sa signification (ibid., p. 256 : « ihr einzigartiger Symbolwert als Zeichen grenzenloser imperialer Macht »), mais aussi les contrastes visuels que, par exemple, l’association des porphyres vert et rouge pouvaient produire dans la porticus purpuretica (localisation d’après le CIL XV, 7191 ; Schneider 1990, p. 255 note 155, et ci-dessous Chapitre Quatre). La colonne fut érigée sous le règne de l'empereur Trajan, de 107 à 113, peut-être par l'ingénieur Apollodore de Damas, dont le rôle dans la construction de l'ensemble du forum de Trajan n'est pas bien établi : il est possible que celui-ci ait seulement supervisé les travaux. 62Le premier cône visuel (segments A et B) couvre les spires 1 à 6. 128 Packer 1988, p. 316-317 : l’évaluation métrique est de 15,75 m, calculée d’après le dessin de restitution et l’échelle fournis par J. Packer. E. Valette-Cagnac avance, à propos des inscriptions funéraires, une autre hypothèse, plus séduisante : [...] à l’opposé des lettres monumentales qui s’imposent au regard du passant [...], l’épitaphe, écrite en petits caractères sur un espace relativement restreint, nécessite un arrêt volontaire. LVIb, spire 17. Des registres officiels devaient donc être conservés à proximité : aisément consultables, ils constituaient les documents de référence, les stèles ne jouant que le rôle de monument. La présence des deux bibliothèques, de la Basilica Ulpia et des propylées sur le quatrième côté de la cour (ou du temple), a amené divers auteurs à reconstituer une terrasse continue, permettant la fameuse vision à mi-hauteur de la frise94. Face E, pl. Dans le cas bien étudié du mausolée des Flavii32, l’édifice associe à égalité architecture, iconographie et inscription honorifique pour glorifier le dédicataire. Pierre Gros (ibid., p. 56-61) commente ce dispositif en soulignant sa nouveauté par rapport au dispositif des basiliques tardo-républicaines, ouvertes sur l’extérieur et pourvues à l’étage d’une terrasse extérieure. Sa traduction s’appuie en outre sur l’étude sémantique poussée des termes mons, locus et egerere fréquemment associés dans le vocabulaire juridique romain. 92Il suffit de confronter disposition architectonique et impératifs iconographiques pour se rendre compte qu’un accroissement constant de la hauteur des spires serait inefficace. 121 Piazzesi 1989, p. 169, explique : « Sur le côté nord-ouest de la Basilica, s’ouvraient quatre passages, deux en correspondance avec les portiques devant les bibliothèques ; les deux autres donnaient sur des escaliers : seul demeure, au sud-ouest, un mur central par lequel on accédait au toit en terrasse au-dessus des nefs latérales de la Basilica et des portiques en façade des bibliothèques : de là, il était aisé d’observer les reliefs de la colonne Trajane » (l’auteur cite et reprend les positions de Amici 1982, figures 62-63). 31Les monnaies romaines constituent un bon ensemble de départ pour dégager les habitudes de regard romaines. 191 Nous avons relevé : face SE, pl. 20Comprendre le regard dans l’Antiquité, plus précisément le regard porté à Rome sur les « œuvres d’art » (les images), peut aider à changer les données du problème. Vision optimale. blocs colossaux de marbre pesant chacun 40 tonnes ; à l’extérieur, une gigantesque frise longue de 200 mètres monte en spirale jusqu’au sommet ; à l’intérieur un escalier de 185 marches permet d’atteindre une plateforme. Ce ouvrage présente les 140 scènes de la frise avec leurs description Topics: Trajan's Column (en), Colonne trajane, [ SHS.ARCHEO ] Humanities and Social Sciences/Archaeology and Prehistory Dans le cas de la colonne Trajane, les éditions successives des reliefs ou de leur moulage remplacent l’exposition préférentielle de la frise des Panathénées dans les musées. À bien y regarder, l’ambiguité du terme est gênante. Un ultime article (Packer 2003) paraît les admettre cependant. 38). 43La difficulté à percevoir les reliefs de la frise est liée à la hauteur de la colonne. Ce sont également les contrastes de couleur qui permettent la distinction des formes, la lumière n’intervenant que comme condition préalable. Visibilité et lisibilité ont donc été associées par les concepteurs de la frise dès la phase de ratiocinatio. Et dans ce jeu visuel, les cités et les murs des camps romains devaient constituer un contrepoint clair à l’espace dace. Elle le met aussi en situation de diriger ses regards vers le bas. 116L’époque suivante, du principat d’Auguste, a donné lieu à de nombreuses recherches. Ainsi Dion Cassius : Il fit élever sur le Forum (agora) une haute colonne (kiona megiston), destinée à la fois à lui servir de tombeau et à être une preuve de travail fait pour cette place (agoran) ; cet endroit, en effet, étant montagneux, il le défonça de toute la hauteur de la colonne, et en fit ainsi une plaine41. 21Lorsque l’on observe la colonne Trajane, on est frappé par sa hauteur et par la présence de la frise continue37. Souhaitant aménager dans sa villa d’Arpinum une vue agréable sur son jardin, il reçoit les conseils de son architecte grec Cyrus : En critiquant l’étroitesse des fenêtres, sache que tu critiques la ‘Cyro-pédie’. Merci, nous transmettrons rapidement votre demande à votre bibliothèque. Le « mythe impérial », ainsi que l’on peut qualifier le mode de communication instauré par Auguste, proposait en définitive de nouvelles structures à une société romaine qui, après une période de désarroi et une transformation en profondeur, était prête à les adopter204. Ce dernier étend le toit de la nef centrale jusqu’à la première nef latérale en lieu et place de la seconde terrasse (Packer 1988, p. 316-317 ; Packer 1992b ; et Packer 1992a, p. 84) Lucrezia Ungaro et Marina Milella ont conservé la seconde terrasse autour de la Basilica (I luoghi del consenso imperiale 1995b, p. 16). Brilliant 1986, p. 77, met en parallèle un texte de Quintilien sur la phantasia et les Troisième et Quatrième Styles de Pompéi. Directions des services départementaux de l'éducation nationale, Équipe de Direction et Services Administratifs, Usage des téléphones portables à la rentrée 2016, Socle commun de connaissances et de compétences, Enseignements optionnels pour l’année 2015-2016, Festival Livres & Musiques de Deauville 2016, La 27e Semaine de la presse et des médias à l’école, Des ressources pour l’épreuve d’Histoire des Arts, Épreuve orale d’Histoire des Arts : évaluation, La découverte professionnelle en classe de troisième en collège et lycée professionnel, Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, Il n'y a aucun évènement à venir pour ce mois dans l'agenda, 2008-2020 © Collège Émile Verhaeren - Il décrit aussi le mécanisme oculaire de la vision : En effet, l’image, aussitôt émise, pousse et chasse en avant tout l’air interposé entre elle et nos yeux ; cet air ainsi chassé se répand dans nos yeux ; son flot baigne nos pupilles, et passe81 ; 36– soit en une émission par l’œil de rayons visuels qui vont frapper les objets et transmettent une sensation à l’observateur82. Adoptons comme précepte que, dans les deux cas, la vision était possible mais rendue plus difficile pour la sixième spire, soit pour cause de distance, soit pour cause de fermeture d’angle. Ce qui peut se traduire ainsi : si l’étroitesse de la place exclut l’ouverture du champ visuel à partir du sol de la place119, elle ménageait peut-être (nous allons essayer de vérifier ce point) un second niveau de vision optimal, à mi-hauteur de la frise, c’est-à-dire au niveau des terrasses supposées des bibliothèques, de la Basilica et des propylées (ou du temple) du nord-ouest120. Colonne Trajane. Leur absence presque complète de la quatrième campagne est en retour significative. 174 Schäfer 1979, figure 8. Le dieu [Zeus] est assis sur un trône, et il est d’or et d’ivoire7. Carla Maria Amici donnait une hauteur d’environ 13 mètres pour la terrasse, et si elle envisageait une seconde terrasse du côté de la Basilica Ulpia culminant, elle, à plus de 25 mètres, cette dernière, dont l’existence est discutée, est trop éloignée sur le plan horizontal pour permettre la vision des reliefs132. 188 Settis 1991, p. 196-198. Les faces SE, S et SO développent, quant à elles, la thématique de l’affrontement plutôt que de la transformation de la Dacie195. 102Pline l’Ancien mentionne, de manière ambiguë, l’innovation que constituait les imagines clipeatae : « On dédie maintenant des écus de bronze, des effigies d’argent, où la distinction entre les traits individuels est ignorée »176. Initialement, la colonne était entourée de deux bibliothèques grecques et latines possédant des petits balcons pour que les visiteurs puissent admirer les détails de la frise. Ainsi, aux monnaies exaltant la Dacie conquise198, succédèrent des monnaies insistant sur la richesse de la nouvelle province199 : la Dacie tête nue – et en toge ? 102 Pline l’Ancien, H.N. Le point équidistant (segments D, en pointillés) touche la spire 3, c’est-à-dire qu’à l’exception des deux premières spires, les autres sont plus aisément visibles depuis la terrasse. 53L’intérêt de cette roche paraît bien être, comme certains marbres, de générer la lumière en radiatio. En tant que matériau blanc, le marbre de Carrare était de toutes façons apte à recevoir l’adjonction de couleurs. 111 Simon 1981, p. 301. Ils ont pu vouloir imiter uniquement la dimension honorifique du monument, ce qui semble être le cas pour la colonne lisse d’Antonin. LXXIIb). 16Il est certain que la diligentia de l’inscription intervenait, dans le cas des tombeaux, pour arrêter le passant distrait. De ce nid d’aigle, le spectateur a un regard plongeant vers le pied de la colonne (les segments A* et B*, inversion des segments A et B depuis le sol, matérialisent ce cône visuel) : cette aire de regard préférentiel englobe alors les spires 2 (segment B*) à 8 (segment A*), autrement dit : depuis une terrasse à 19,37 m de hauteur, un observateur distinguait les spires 2 à 23, et ce (nous insistons) dans de bonnes conditions. Trayan sütunu (lat. 91Soulignons d’abord que le constat d’échec des variations de hauteur des spires valait dans l’hypothèse d’une vision unique depuis le sol. Pucci 1992, p. 235 figure 301, montre des passants en train de lire une inscription honorifique. L’absence de lumière noie les couleurs dans l’obscurité, son trop-plein dans l’illumination. Un observateur verra mieux un objet en incidence directe qu’en oblique. 57 Raoss 1968, p. 402 note 3, cite le codex de l’Anonyme d’Einsiedeln, pélerin venu à Rome à l’époque carolingienne. 47 La mention de ces plates-formes escaladables laisse perplexe. Paris Ier Colonne Vendôme détail frise C'est une colonne en bronze de 44,3 mètres de haut et d'environ 3,60 mètres de diamètre moyen, posée sur un socle et surmontée par une statue de Napoléon Ier. Ibid., p. 162 figure 135 : sesterce de 104-111, avec la Dacie pileata assise sur des armes à côté d’un trophée ; se reporter au RIC II, p. 250 planche VIII figure 141. La solution choisie en fait la charnière optique du monument : ce seuil d’étrécissement, à hauteur de la douzième spire, permettait à l’observateur placé sur la terrasse d’observer dans de relatives bonnes conditions les parties supérieure et inférieure de la frise, sans être gêné par la diminution accélérée du diamètre du fût au-dessus de la spire 12. Il faut donc distinguer conditions de visibilité et statut accordé à l’objet observé : s’il est observable, mérite-t-il de l’être ? 27). Le changement préconisé par l’architecte augustéen (le pluteum) a pour but de garantir la dignitas des activités internes au bâtiment et d’offir un lieu de promenade aux passants. 143 Les ouvrages classiques à propos de la colonne aurélienne demeurent : Petersen-Domaszewski-Calderini 1955 (édition originale : 1896) ; Wegner 1931 ; Pallottino et alii 1955 ; Becatti 1960. Tu vois la suite. 11 Références dans notre Chapitre Quatre. XXX, 12 (trad. 88 Pline l’Ancien, H.N. Vitruve mentionne ainsi, justement à propos de colonnes dont l’altitude atteignait cinquante pieds, les correctifs à prévoir pour éviter les illusions et obtenir, non une bonne visibilité (ces colonnes sont des colonnes non-historiées), mais une venusta species91. There is no clear evidence to suggest the presence of Christianity in Cyprus during the first three centuries AD. Non contentes d’être disposées sur l’axe central du Forum de Trajan (SE-NO), elles jouissaient de conditions de visibilité exceptionnelles, puisque les terrasses n’en étaient séparées que de six mètres ; les faces intermédiaires (NE et SO), éloignées d’environ neuf mètres des terrasses des bibliothèques, servaient de relais au discours. Lui-même dispositif optique, l’étrécissement était destiné à éviter au spectateur lointain l’illusion d’un fût concave. Le dispositif visuel est donc lié, certes à la qualité et la fonction des monuments, mais aussi à la situation physique du relief. 63Nous avons ensuite reporté le cône visuel de référence (depuis le sol) A-B de telle sorte qu’il atteigne la spire 23 au sommet de la frise. Le seul rapprochement acceptable entre volumen et frise de la colonne Trajane passe, à notre avis, par la prise en compte de ce type de lecture dynamique. Sur la fausse perspective des décors de théâtre, lire le commentaire à Vitruve, De Arch. La publication des documents officiels, leur mise à disposition par l’affichage, étaient nécessaires à la promulgation : on le sait, le mot lex implique la lecture (orale) et présuppose l’écriture19. 39 – Reconstitution d’un clipeus du Forum de Trajan (d’après Ungaro-Milella 1995a, p. 107). En effet, les textes romains décrivent la Dacie comme un lieu ténébreux, dont la sauvagerie est liée à la multitude des cours d’eau, aux montagnes et à l’obscurité des forêts. CLXXXV. 194 Face E : spire 14, pl. Les variations mineures résultent sans doute de l’empirisme normal lié à la réalisation des reliefs, mais certaines scènes, telle la poursuite et le suicide de Décébale, ont une telle étendue spirale qu’elle a été remarquée par de nombreux auteurs. Eu-trope donne une altitude de 144 pieds : « Ses cendres, placées dans une urne d’or, furent installées dans le Forum qu’il construisit, sous une colonne ayant cent quarante-quatre pieds de haut »43. 117La frise historiée se prête à une telle analyse. 187 Contrairement à ce que suppose Paul Veyne, les observateurs attentifs existaient dans l’Antiquité, comme l’indique Plutarque, De tranquillitate animi IX (d’après Settis 1991, p. 193) : « La plus grande partie des hommes pensent devoir observer soigneusement et dans les détails (akribos kai kata meros) les poèmes, les peintures et les sculptures, en les parcourant avec les yeux et avec l’esprit ». Le fond dominant de la frise devait être en rapport avec cette vision culturelle, un fond de couleur sombre, ce qui est conforme aux principes de l’optique antique. L’art monumental n’est d’ailleurs pas le seul domaine touché par ce scepticisme. Son bas-relief s'enroulant autour de son fût est célèbre et décrit la victoire de l'empereur Trajas sur les Daces lors des deux guerres daciques (101-102 et 105-106). Elle ne nous paraît pas gênante, bien au contraire, car dans l’hypothèse où Trajan se serait inspiré du modèle augustéen30, le choix de reliefs hauts de quatre-vingts centimètres, en lieu et place d’inscriptions minuscules, améliorait, nous semble-t-il, la qualité visuelle de l’œuvre et de son contenu.